Déclaration préalable CHSCT CRS
Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les représentants de l’administration,
Mesdames et Messieurs les représentants du personnel,
Depuis le début d’année, un trop grand nombre déjà de collègues a fait le choix de l’acte ultime.
Nous présenterons donc toutes nos condoléances à leurs familles, collègues et amis.
Ces drames successifs nous amènent à nous réunir aujourd’hui dans le cadre d’un CHSCT CRS Extraordinaire afin d’évoquer le programme de mobilisation contre le suicide, son suivi au sein de la DCCRS, les déclinaisons faites en Directions Zonales et les perspectives envisagées.
Le sujet est grave et la facilité serait de céder aux raccourcis.
Néanmoins, au risque de vous donner le sentiment d’être long, je souhaite profiter de ce temps pour venir poser une photographie de l’univers CRS, vu par un photographe syndicaliste bien sûr.
Avant de décliner les axes que nous souhaitons voir développés, il nous semble important de profiter de cet « arrêt sur image » pour rappeler ce qu’est la communauté de travail au sein de la Police Nationale en général mais particulièrement au sein de la DCCRS.
Loin des déclarations d’amour de 2015, les années se sont suivies et hélàs le policier s’est vite retrouvé en première ligne, responsable de tous les maux d ‘une société en train de se scinder, de se fracturer.
En première ligne pour les unités SSG lors des épisodes Gilets Jaunes, tout au long de la pandémie,
En première ligne les collègues autoroutiers transformés en cibles sur la voie publique, tout comme les motocyclistes des SMA et des DUMZ
Nos collègues montagnards eux mêmes auront été victimes de ces actes lâches.
La pandémie COVID 19 aura elle aussi marqué les personnels, que ce soit dans l’application des protocoles sanitaires certes en perpétuelle modification ou dans la dégradation des conditions de travail ou d ‘hébergement pour ceux déplacés.
Dans cet univers dégradé, à plusieurs reprises, je vais utiliser un mot devenu à la mode, c’est de bienveillance dont les fonctionnaires ont manqué.
Cette bienveillance qui, sans que cela ne devienne un moyen de contourner les obligations, aurait dû prévaloir alors qu’en retour c’est un sentiment de défiance qui leur était opposé, laissant à penser que nos collègues ne cherchaient qu’à se défausser de leurs obligations.
Les conditions d’hébergement disais je, qui au gré des protocoles, et je me répète une fois de plus, a vu leur univers se transformer en univers monacal puis au plus fort de la crise, en univers quasi carcéral.
Je ne viens pas ici me poser en inquisiteur, loin de là, mais les personnels CRS passent un nombre important de jours en déplacement. C’est là le coeur de leur métier. Pour cela, souvent nous est opposé la perception de frais de déplacement qui rappelons le, sont des indemnités visant à compenser l’absence de leur celulle familiale.
Quand, et nous nous en sommes expliqués madame la Directrice, des sondages sont lancés pour éventuellement envisager l’allongement de la durée des déplacements, ce sont justement les équilibres que chacun aura construit autour de lui qui sont remis en question. L’effet est dévastateur chez nos collègues.
Il en est de même lorsqu’ils entendent leur ministre de tutelle annoncer la fin d’un cycle de travail qui leur convient et autour duquel là aussi ils avaient construit l’équilibre leur permettant de concilier vie professionnelle et vie familiale.
Là aussi l’effet est dévastateur….
Tout cela pour dire que lorsque l’institution « Police » communique et ce à quelque strate que se situe le curseur, elle se doit de mesurer la portée des mots employés, l’incidence qu’ils pourraient avoir sur leurs subordonnés et surtout mesurer le pire…..à savoir l’écart entre l’annonce et la mise en œuvre réelle des projets. Ce temps là est celui qui affecte le plus nos collègues, c’est le temps où aucune réponse n’est apportée à leurs questionnements.
Pour la majorité des collègues qui ont le bonheur que tout aille bien dans leur vies, il n’y voient qu’une forme de mépris de leur propre statut et au fil des années s’en sont fait une raison.
Pour ceux que la vie aura déjà fragilisés, ça peut être la goutte d’eau qui fera déborder le vase.
Pour rester sur cette métaphore, si nous devons nous attacher à la détection et à la prévention de ces gouttes d’eau qui font déborder les vases, prenons le temps également de regarder aussi toutes celles qui ont participé à les remplir.
La perte de sens dans les missions qui leur sont confiées participe aussi de la fragilisation des personnels.
Nos collègues trop souvent sont cristallisés sur des missions qui ne devraient pas être les leurs.
Et à chaque fois qu’on leur en donne l’occasion, en MO ou en PNSR, ils brillent par leur action et ce sur tout le territoire.
Là aussi nous pouvons parler de fragilisation, de travail de sape.
Comme je le disais en introduction, je ne céderai pas au raccourci de frapper d ‘anathème toute la hiérarchie comme étant responsable de la souffrance des collègues, et je le dis souvent ici même, nombre de responsables sont conscients des enjeux, humanisent leur commandement au mieux de ce qu’il leur est permis de faire ; pour cela nous ne pouvons que les en remercier.
Il reste aussi des « managers », autre mot à la mode, qui n’ont pas cette sensibilité et qui de par leur management archaïque, toxique poussent les collègues à bout. C’est un état de fait, ils sont peu nombreux mais il serait illusoire de chercher à le taire, tout un chacun autour de cette table a déjà un nom qui lui est venu en tête…..
Le sujet du jour nous invite donc à la plus grande vigilance sur les comportements qui pourraient nous sembler excessifs.
Écoutons les professionnels de santé, les ISST qui en toute objectivité peuvent être de précieux relais dans la détection.
Pour ce faire, imposons également qu’ils soient convoqués dans des délais raisonnables, compatibles avec leurs autres engagements.
Trop souvent l’organisation des réunions se fait de manière précipitée, avant ou au retour d‘un déplacement. Souvent également sans communication des indicateurs RPS qui du coup ne font l’objet d‘aucune comparaison.
La DCCRS a été pourtant novatrice dans la définition des indicateurs RPS, utilisons les.
Pourquoi ne pas envisager un travail en amont lors des déplacements pour en faire une synthèse en cellule de veille plénière avec tous les participants ??
Nous pourrons faire toutes les e-formations que nous voulons, sans nier ce qu’elles peuvent apporter, c’est vers la libération de la parole qu’il faut aller, debriefing encadrés, moments de convivialité, stimulation à la pratique sportive, formation à la détection des signaux faibles….
En résumé, l’esprit de corps, la cohésion se trouvent aussi dans la bienveillance au quotidien.
La DCCRS, longtemps a été prémunie de ces drames, la collectivité permettant sans doute cette vigilance mais manifestement cela ne suffit plus.
Personne ici n’a de martingale mais la coordination de tous les moyens mis à disposition, leur bonne utilisation doit, espérons le, nous permettre de protéger ceux d’entre nous qui seraient déjà fragilisés et ceux qui pourraient l’être dans le temps.
En conclusion, il est nécessaire à tous les niveaux, que chacun ait conscience que le découragement, la démobilisation des personnels doivent être combattus au quotidien et que chacun d’entre nous, se doit, de l’avoir à l’esprit en permanence.
Nos collègues savent la difficulté de leur travail mais sentir leur hiérarchie au plus près d’eux, sans défiance permettra de resceller cette communauté de travail que sont les Compagnies Républicaines de Sécurité.
Je vous remercie de votre écoute et demande à ce que cette déclaration soit annexée au procès verbal de ce comité.
Les membres de la Délégation CHSCT CRS UNITÉ SGP POLICE
Alain VASTEL Jean Sébastien LEVEL Hervé VICENTE